Tranche de vie

Tranche de vie et clins d’œil :

notre dernière vadrouille était en mode pèlerinage de mon enfance, je vous en raconte un bout.

Nous allons à un vide grenier géant , dans une petite ville que je connais bien. Je suis à la recherche d’objets colorés à mettre sur la tombe de mes parents afin de l’égayer un petit peu. On parcourt les presque 700 exposants sans trouver grand-chose , à part quelques vinyles sympas qui nous rappellent notre enfance. (On a de la chance là-dessus avec Laurent, on a 15 ans d’écart lui et moi ,mais nos parents sont de la même génération donc on a eu presque la même éducation et la même musique a bercé notre enfance.) Je suis un peu déçue de ne pas trouver ce que je cherche…

Mais oh j’aperçois une statuette de vierge à l’enfant, je sais que ma mère appréciait ce genre d’objet. 1 euro ! La bonne affaire ! C’est pas très coloré mais de toute façon j’ai l’intention de mettre des plantes , ça ira.

Avant de quitter le vide grenier , je vois un sapin de noël en plastique , le même que quand j’étais petite. Je souris, je sais que les enfants adoreraient qu’on ait un sapin à noël. Cela fait des années qu’on en n’a pas car je refuse de participer à ce génocide épineux annuel. En plastique et d’occasion , c’est parfait, ok vendu ! Pour 2 euros , j’ai le sapin de mon enfance, une boîte remplie de décorations et un calendrier de l’avent en bois avec plein de petites figurines à l’ancienne. J’adore ! Et la dame qui vend me remercie 20 fois de la débarrasser, tout le monde est content !

Je fait découvrir à Laurent la ville d’Angers qui m’a vue grandir. On mange des quernons d’ardoise et on flâne dans les rues qui ont compté dans ma vie.

Je me rends compte que je suis stressée , j’ai plus de mauvais souvenirs que de bons dans cette ville.

Un début de vie chaotique et borderline qui m’a valu des blessures profondes de l’âme. Mais cela a aussi été un trésor d’apprentissage puisque c’est ce qui m’a formé à la transcendance , à la résilience.

C’est chouette de regarder cette ville à travers le regard neuf de Laurent , c’est vrai que c’est une très belle ville. Bien moins sombre que dans mes souvenirs. Après avoir visité la ville, on se pose dans le camping car à la recherche d’un lieu pour se poser et passer la nuit. On passe en revue tous les spots proposés par l’appli mais tout ce qui est trop près d’Angers me stresse, j’ai pas envie de rester là. Je suis tendue.

Finalement, Laurent en trouve un qui a l’air super joli et qui est à 15 bornes. Banco , ça me convient , en plus sur la route il y a la maison où je vivais jusqu’à mes 11 ans. Je veux lui montrer.

Sur la route , des milliers de souvenirs remontent. Toutes les rues je les connais par cœur , j’y ai vécu mille vies. Tiens la caserne de mon père, j’y passais tous mes mercredis petite, je me souviens de mes repas au mess.

Tiens une Renault 5 , non mais sérieux une R5 ! Qui a encore une R5 de nos jours ? Nous en croisons près d’une dizaine en moins de 24 h !Je me souviens de celles de mon père, je ne sais pas combien il en a eu. Je me rappelle surtout de celle dans laquelle on voyait la route à travers la tôle sous nos pieds et dont il fallait tenir fort la portière dans les rond points pour ne pas qu’elle s’ouvre !

En traversant la petite ville de Montreuil-Juigné , où j’ai vécu petite , les images remontent encore plus fort. Ce quartier où je faisais du roller pendant des heures tous les soirs après l’école, la piscine municipale où j’ai appris à nager. La salle de danse dans laquelle ma passion s’est exprimé pendant tellement d’années. Nous passons devant mon ancienne maison, mais il fait nuit, on ne voit rien. Tant pis, nous décidons de revenir le lendemain.

On roule vers le spot prévu , on est fatigués, tout à coup j’aperçois une autre aire de camping car sur le GPS , juste à côté de là où nous sommes. Elle n’existe pas sur l’application, bizarre. On s’arrête là.

Le soir je raconte à Laurent mes souvenirs d’enfance, la mort de mes parents il y a 10 ans…

Tiens ça me revient , je voulais récupérer le dossier médical de mon père. Comment s’appelait son médecin déjà ? Ah oui , Du Chêne ! Docteur Du Chêne. Je me demande s’il peut me le donner et est ce que ça se fait de demander ça ?

Je regarde dans le placard et remarque : WoW , la vierge que j’ai achetée aujourd’hui est phosphorescente ! C’est trop bien ! Et en la regardant de plus près je remarque une inscription: « Notre Dame Du Chêne » ! Je ris , bon ok , message compris, j’arrête de tergiverser , j’irai voir le docteur de mon père demain.

On est réveillés au petit matin par la lumière du soleil qui traverse les rideaux fleuris. On se rend compte que nous sommes garés au bord d’une rivière, la mayenne.

Oh j’en reviens pas , je reconnais le ponton de mon enfance où je venais pêcher. Je faisais souvent du kayak ici avec mon père et on jouait au foot avec les copains aussi dans le parc d’à côté. C’est drôle qu’on se soit arrêtés ici, de nuit je n’avais pas reconnu l’endroit. Je me rends compte que mon ancienne maison est à 5 minutes à pied, j’emmène Laurent.

Tout à changé ici, les champs qui entouraient la maison ont disparu, laissant place à des centaines de maisons collées les unes aux autres. Ma mère a eu raison de vouloir déménager à l’époque. Je me souviens de cette ambiance de petit village avec le « monsieur du lait », comme on l’appelait , le laitier qui livrait : œufs et lait de sa ferme , ainsi que des baguettes et le journal , dans sa vieille camionnette. Son klaxon qui imitait le bruit de la vache déclenchait immédiatement une grande joie en moi et on se retrouvait au milieu de la rue avec tous les voisins pour un moment convivial.

Ça n’existe plus ces moments là…Les supermarchés nous ont éloignés les uns des autres maintenant. On ne connaît plus ses voisins. Ce pèlerinage prend des allures de voyage dans le temps.

Je parle d’un muret de pierres cassé que j’aimais escalader petite, afin de me retrouver dans le grand parc derrière la maison. Nous partons à la recherche du muret mais à ma grande surprise il a été réparé et désormais on peut y entrer par un petit portail. C’est nettement moins cool que d’escalader en cachette.

On se retrouve dans ce grand parc dans lequel j’ai déjà fait des millions de pas. Les arbres immenses sont toujours là, je les reconnais, c’est comme si je retrouve de vieux copains. Je suis émue.

Laurent me demande ce qu’est ce château , au milieu du parc ? Ah, ça , bah c’est mon ancien centre aéré ! Il n’en revient pas. Là aussi ce qu’il voit du décor de ma petite enfance, ne colle pas avec ce que je lui ai décrit. Ça a été tellement dur pour moi que j’en ai oublié les trucs cool. C’est vrai que j’avais de la chance de vivre près de ce parc, ces arbres ont été mon refuge si souvent.

Il me fait remarquer que cet endroit est presque la réplique exacte de l’endroit où l’on vit aujourd’hui. Un château au milieu d’un immense parc arboré. C’est vrai !

Je n’avais pas réalisé avant aujourd’hui. On sort du parc par un autre portail et on se retrouve juste en face du camping-car , c’est dingue, on a dormi juste en face de cet endroit si cher à mon cœur sans le savoir.

J’aperçois le couple du camping car d’à côté avec leur chien. Oh , je n’en reviens pas ! Ils ont exactement le même chien que celui que j’avais petite ! C’est marrant , on en parlait hier justement de ce chien. Je racontais que c’était drôle que ma mère qui s’appelait Anne avait choisi le surnom « Nanou » comme nom de grand-mère , puisque c’était le nom que j’avais donné à mon chien. Il y avait donc Nanou le chien et Nanou ma mère. Donc là devant moi , je vois Nanou. Je m’adresse au monsieur et lui dit que j’avais le même chien et que c’est rare que j’en croise. Il est étonné aussi que je connaisse cette race, il m’apprend qu’effectivement ils sont très rares, on ne compte que 4 éleveurs en France. Je souris , j’en ai eu plein des chiens , mais un seul qui portait le même surnom que ma mère.

Je demande à Laurent : comment ma mère a fait tu crois ? Pour que l’on se gare au hasard , qu’on se retrouve juste à côté de ce couple et que je vois leur chien ? Peut-être qu’elle t’a envoyé des milliers de signes et que c’est le seul que tu as vu. Ou bien peut être que comme le temps n’existe pas, c’est très simple pour eux de faire ça depuis là-bas. Tu crois que c’est elle qui m’a fait regarder le GPS pile au moment où j’y ai vu cette aire de camping car ? Peut-être.

On reprend la route direction mon autre ancienne maison, celle où j’ai vécu à partir de mes 11 ans. Sur la route, on s’arrête au cabinet médical du médecin de mon père. Ah tiens c’est drôle c’est à quelques centaines de mètres de l’endroit où on avait initialement prévu de venir dormir hier. On est décidément bien guidés.

On continue. Sur la route je suis souvent sur mon téléphone mais pas cette fois. Cette fois j’ai envie de profiter de chaque seconde de ce paysage. Je regarde sur ma gauche. Oh regarde ! Un renard ! Waouh ! Magnifique, cela fait des années que je n’en avais pas vu. Le renard, c’est aussi un signe de ma mère. Dans notre deuxième maison, on vivait au milieu de 14 hectares , avec des tas d’animaux : moutons nains, chèvres naines, alpagas, ânes nains, chevaux nains, chats, chiens ,perroquet et renard ! Foxy , un renard apprivoisé qui regardait la télé avec nous , couché sur les genoux de ma mère. Qu’est-ce qu’ils s’aimaient tous les deux. On arrive dans l’étroit et long chemin qui mène à cette vieille longère qui m’a vue grandir.

J’ai envie de partager l’endroit qui m’a vu grandir avec l’homme que j’aime. Les nouveaux propriétaires sont là , on leur a vendu la maison il y a 7 ans environ. Depuis je suis repassé quelquefois. A chaque fois à l’improviste et pourtant ils m’ont toujours accueilli avec beaucoup de douceur. Ils nous font faire le tour du jardin, nous montrent le verger. Oh purée, la marre dans laquelle je me baignais avec mon frère au milieu des ragondins me paraît aujourd’hui beaucoup trop vaseuse pour y tremper un orteil !

Ils nous expliquent comment ils ont replanté des arbres que mes parents avaient plantés à certains endroits. J’admire leur amour de la nature et leur bienveillance pour le vivant. Ils nous proposent de visiter l’intérieur de la maison, jamais depuis que l’on a vendu je ne suis retourné à l’intérieur. Ils m’avaient proposé lors d’une de mes visites mais je ne me sentais pas prête à l’époque. Maintenant que mon deuil est fait, j’accepte avec joie.

Ce qu’ils en ont fait est incroyable ! Emotionnellement c’est très bizarre car c’est à la fois ma maison et en même temps plus du tout. Tout à changé ou presque. Ils me racontent ce qu’ils ont trouvé écrit sur les murs de ma chambre, derrière la tapisserie. Leurs trouvailles dans les dépendances. Ils me montrent la hotte dans la cuisine, c’est toujours la même. Celle que j’avais aidé à monter avec mon père. C’est con comme une hotte de cuisine peut vous donner du baume au cœur.

On prend un café et ils nous racontent leur histoire.

Après avoir été mariés ensemble pendant plus de vingt ans, ils ont divorcé il y a quelques années. Après leur divorce, sans le savoir ils ont tous les deux acheté une maison dans le même village. C’est lui qui a acheté celle de mes parents. Ils se sont donc recroisés par hasard et ont renoué contact. Leur histoire d’amour à repris et ils se sont remarié. Ils vivent désormais tous les deux ici. Magique. J’adore leur histoire.

Après plus de 3h de visite, on les remercie et on se dirige vers le petit cimetière du Lion d’Angers. C’est pas trop mon truc les cimetières. Cette espèce de concours de bite jusque dans la mort. A qui aura la plus grosse dalle, la plus belle croix, le plus de marbre, ça me saoule. En plus je me ramène souvent des défunts quand j’y passe donc j’évite. Puis surtout , je ne pense pas avoir besoin de venir sur leur tombe pour pouvoir parler à mes vieux. Mais quand je passe dans le coin , une fois tous les deux, trois ans, je viens leur faire un coucou.

Putain ! Qui sait qui a ENCORE mis des fleurs en plastoc sur leur tombe ! Pfff. Ma mère a toujours détesté les fausses fleurs. C’est pas grave , je les distribue aux tombes les moins fleuries d’à côté. Leur tombe est tout ce qu’il y a de plus sobre, c’était leur choix. Juste quelques graviers. Pas de plaque en marbre, pas de m’as tu vu. Deux jardinières et j’y ajoute des succulentes. Ces ptits choux que j’adore et qui font leur vie tout seul. C’est nickel pour mettre un peu de couleur et pas besoin d’entretien. J’y ajoute ma touche de couleur avec des feutres. Une envie de mettre de la joie dans cet endroit austère. Un grand arbre leur fait de l’ombre l’été. C’est un if me dit Laurent. Je souris. Ce mot « if » est depuis toujours associé dans mon esprit à mon père, qui me l’a appris lorsqu’on faisait des mots croisés tous les deux.

Papa, maman, je repasserai un de ces quatre, merci d’être toujours là.

Merci pour vos clins d’œil depuis là-bas. Merci de me faire sourire si souvent.

PS: Si tu en as envie , raconte moi en commentaire les signes que tu as reçu de là-bas.

Raconte-moi tes sourires.

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