Dans la série : « les signes sont partout », cela fait plusieurs semaines que je souhaitais partager avec vous un texte magnifique, écrit par ma soeur. Je l’ai découvert par hasard un soir où j’errais sur le net. Depuis je sais que je peux partager ce chemin avec elle . J’èspère qu’il vous touchera autant qu’il m’a touché le voici:
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« Le jour pointait à peine le bout de son nez et mon sommeil m’avait depuis longtemps abandonné. Je me trouvais dans cet état ou la mémoire est infiniment claire et le présent incertain. Il est agréable de rêver dans ces conditions et de revenir sur les derniers épisodes de ma vie qui m’ont amené à me trouver dans cette situation.
Passé, présent, futur, tout se conjugue, mais à quel temps vais-je écrire mes larmes versées ?
La machine à remonter le temps s’affole…Les souvenirs d’enfance déboulent à grandes enjambées.
Été 1977 – Castelsarrasin. Alors que tu es à l’autre bout du monde, je pleure du haut de mes 12 ans ce père absent. Pour cacher ma peine, je crâne devant mes camarades en brandissant tes cartes postales : BORA-BORA, PAPEETE, MURUROA, MAUPITI, MOOREA… je suis si fière. Je découvre des timbres plus beaux les uns que les autres, une petite poupée tahitienne, des colliers en coquillages. J’entends la mer ! Mon petit papa, je t’écris ma tristesse et te couvre de lettres, tu me couvres de tendresse et de cadeaux…
9800 miles nous séparent à ce moment-là, quinze mille petits kilomètres à vol d’oiseau.
TU REVIENS…STOP… LA VIE DE FAMILLE REPREND…. STOP…
11 Mars 1978 – « Claude François est mort ». Ainsi m’annonces-tu la nouvelle – froidement – en déchargeant les courses de ta bonne vieille Taunus.
Je cours me cacher pour pleurer, j’ai honte, sauf que j’ai 13 ans et que je t’en veux terriblement.
L’oreille collée à mon petit transistor orange, j’écoute RMC : un grand navigateur a disparu en mer, des enfants pleurent leur père : Où es-tu Manureva ?
Les années passent tout près de toi, mais de toi je ne reçois plus rien. Les tubes se mélangent dans ma tête «Allo Papa Tango Charlie, je n’entends déjà plus rien, si tu t’appelles mélancolie, le mal aimé…
Les ondes sont brouillées. On ne se parle plus, on ne s’écrit pas…ou si peu. Le temps s’en fout bien de nous.
Moi pour ne plus souffrir c’est décidé je t’oublie. Il ne reste alors que nos maux… silencieux.
Mais c’était sans compter sur toi : les Bretons sont rudes face aux tempêtes et ils luttent malgré la dépression atmosphérique.
Tu n’étais pas très bavard et alors que je me débattais dans le trou du souffleur, tu as entendu mon appel «meday, meday».
Le temps, nous n’en avons presque plus…
Printemps 2011, c’est presque l’été indien : je te vois pour la dernière fois, je le sais, toi aussi. Elle court, elle court la maladie ; et pourtant on ne se dit toujours rien, tu m’évites autant que tu peux, droit, fier, souriant comme un gamin qui me fait une mauvaise blague…
… tes derniers signaux…
J -11 : une jeune amie vient me voir et me dit « Ah tu lis Marc Lévy ? Il y a un superbe livre de lui qui s’intitule « toutes ces choses qu’on ne s’est pas dites », c’est l’histoire d’un père et de sa fille qui n’ont jamais communiqué, le père meurt et ils se rapprochent…
J-9 : message d’une autre amie sur ma boite mail ! Simplement en objet : Duo en pièces jointes : vidéo d’Andréa Boccelli qui chante avec sa fille : Con te partiro
9 Juin 2011, 10 h 00 je prends la route pour la clinique : 500 kms Lille-Angers Tu es parti au petit matin à 6 h 30, l’heure où je me suis levée péniblement. La route a été interminable, je n’arrivais pas jusqu’à toi. En chemin un camion « Dédé », puis un autre « Serge » et une pancarte « Sille le Philippe », les prénoms de tes garçons.
13 Juin 2011 – je suis là devant le petit cimetière du Lion d’Angers, anéantie. Tu viens de tirer ta révérence sans bruit, sans vagues. Je rentre sur Lille, j’attrape un CD machinalement, celui de « Jeff Buckley », sauf qu’à l’intérieur se trouve le CD2 de Claude François, et j’entends soudain cette voix reconnaissable entre mille « comme un enfant qui a perdu son père et qui le cherche en courant sur la terre, j’ai voyagé…..et j’ai vingt fois recommencé ma vie… j’ai cru aimé, je n’ai pas su….»
Je viens de me réconcilier avec toi Papa…. non stop… Amédée, « aimé de Dieu », repose en paix. Kénavo Papa
Le verbe aimer est difficile à conjuguer, son passé n’est pas simple, son présent n’est qu’indicatif, et son futur est toujours conditionnel. Jean COCTEAU »
Frédérique PATEZOUR
Texte sublime.
Merci